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Par Lucie Ronfaut
Extrait de la page d'avertissement du ministère de l'Intérieur.

Le ministère de l’Intérieur a procédé au premier blocage administratif d’un site faisant l’apologie du terrorisme. Son hébergeur OVH affirme ne pas avoir été prévenu.

Après des mois de débat, le blocage administratif des sites faisant l’apologie du terrorisme est maintenant une réalité en France. Le journaliste David Thomson, spécialiste des questions jihadistes, a signalé dimanche un premier cas avéré de blocage d’un site décrit comme «pro-jihad». Un internaute client des principaux opérateurs (Free, Bouygues Telecom ou Orange par exemple) tentant de charger la page se voit proposer à la place un écran du ministère de l’Intérieur. «Vous avez été redirigé vers ce site officiel car votre ordinateur allait se connecter à une page dont le contenu provoque à des actes de terrorisme ou fait publiquement l’apologie d’actes de terrorisme», peut-on lire. Impossible de savoir en détail ce qui est reproché au site en question.

Un dispositif opaque

Le blocage administratif est une mesure phare, et controversée, de la loi antiterroriste votée en novembre par les députés. Elle permet à une autorité administrative (l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication) de réclamer aux éditeurs ou hébergeurs de sites sensibles le retrait des contenus illicites, sans passer par l’autorisation d’un juge. Passé un délai de 24 heures, elle peut alors exiger que les fournisseurs d’accès à Internet bloquent l’accès de la plateforme concernée. C’est ce qui s’est passé pour le site repéré par David Thomson, hérbergé par le français OVH: les internautes passant par leurs fournisseurs d’accès habituels sont redirigés vers une autre page que celle désirée, en l’occurrence un avertissement du ministère de l’Intérieur. Il s’agit d’une méthode dite de «DNS menteurs», ici décrit par le blogueur Numendil.

La méthode est contournable par différents moyens, par exemple en utilisant le logiciel Tor, qui permet d’anonymiser sa connexion Internet. Néanmoins, même en empruntant ces méthodes, le site en question est inaccessible depuis au moins dimanche. Cela signifie que son accès a été coupé outre cette mesure de blocage, soit par son éditeur soit par son hébergeur. Difficile d’en savoir plus pour le moment. Octave Klaba, le fondateur et directeur technique d’OVH, a expliqué que son entreprise n’avait pas été prévenue du blocage par le ministère de l’Intérieur. La loi impose pourtant à l’autorité administrative de contacter l’hébergeur et de lui laisser un délai de retrait de 24 heures avant de procéder au blocage. Contacté par le Figaro, OVH n’a pas souhaité faire plus de commentaires. De son côté, l’éditeur du site a affirmé à NextInpact qu’il ne se «laisserait pas intimider» par ce blocage, sans plus de précisions.