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parEdouard Husson

Le 400è jour de la guerre est aussi l’anniversaire du Traité de Paris qui mettait fin à la Guerre de Crimée, le 30 mars 1856. A l’époque, la Russie avait perdu la guerre contre la coalition des Britanniques, des Autrichiens et des Français. Pourtant, le vrai perdant de la guerre était la France de Napoléon III. Au lieu de se rappeler que la France ne peut être puissante que si la Russie est puissante et la France son alliée, l’Empereur s’était laissé entraîner dans une guerre qui ne lui rapporta rien, quatorze ans plus tard, quand il fut attaqué par la Prusse. Non seulement la Russie ne vola pas à son secours mais l’Angleterre laissa faire la guerre franco-prusienne et la défaite de Sedan. 166 ans plus tard, la situation militaire semble inversée: c’est la Russie qui construit, lentement mais sûrement, une victoire militaire. Mais la France reproduit les erreurs de Napoléon III: dans l’OTAN, aux côtés des Etats-Unis, notre pays soutient une guerre qui ne fera qu’accroître le déclassement qui marque notre pays depuis que nous n’avons pas su saisir l’occasion d’une nouvelle donne géopolitique en 1989. Et pourtant, si nous savons regarder le monde, l’horizon immense d’une communauté mondiale réorganisée sur le principe de l’égalité entre nations souveraines nous attend. Comme l’écrit M.K. Bhadrakumar à propos de la visite de Xi Jinping à Moscou:

« Les médias russes ont rapporté que le président Vladimir Poutine a fait un geste extraordinaire lorsque le président Xi Jinping a quitté le Kremlin après le dîner d’État de la semaine dernière, mardi soir [21 mars 2023], en l’escortant jusqu’à la limousine et en le raccompagnant. Lors de la poignée de main d’adieu, Xi aurait répondu : « Ensemble, nous devrions faire avancer ces changements qui n’ont pas eu lieu depuis 100 ans. Prenez soin de vous. » Xi faisait allusion aux cent dernières années de l’histoire moderne qui ont vu les États-Unis passer du statut de pays situé au nord du Mexiquedans l’hémisphère occidental à celui de superpuissance et d’hégémon mondial ».

L’économie russe a plus souffert, selon l’Académie des Sciences de Russie, de la période du COVID que des sanctions occidentales

Comment les Russes pensent dans le temps long

Un excellent article de Marcelo Ramirez traduit sur reseauinternational.net:

Je reproduis l’essentiel de cet article parce qu’il coïncide, de manière synthétique, avec la vision du conflit que j’ai développée dans cette chronique depuis 400 jours! Ce qui est en gras est souligné par moi. Tout y est. La compréhension de la dissimulation tactique russe pour atteindre un but stratégique de grande ampleur (ce que j’appelle depuis le début la stratégie à la Turenne); la compréhension du basculement géo-économique mondial; l’analyse fine des ambiguïtés de Lula etc….

« L’hiver s’est enfin achevé et l’offensive russe attendue n’a jamais eu lieu. Oui, nous avons assisté à une avancée lente mais constante dans la zone la plus fortifiée du Donbass, s’emparant pratiquement de Bakhmout (Artemovsk en russe) et menaçant d’encercler Avdivka. L’offensive russe repose sur l’utilisation des troupes du Groupe Wagner comme bélier, sans faire appel aux troupes régulières russes et aux fameux Tchétchènes de Kadirov, qui ne jouent pas un rôle de premier plan comme au début.

La Russie a décidé d’utiliser une tactique d’avancées lentes avec un double objectif : diminuer ses propres pertes et augmenter les dommages causés aux troupes de l’OTAN combattant sous le drapeau ukrainien.

Les services de renseignement britanniques, une source bizarre fièrement et fréquemment utilisée par la presse occidentale, répètent cycliquement que la Russie est épuisée, que son armée est inefficace, que les armes russes sont obsolètes et d’autres faits qui ne tiennent pas la route lorsque l’on regarde la réalité. La Russie est confrontée aux 28 pays de l’OTAN, plus ceux qui tentent de la rejoindre et les pays amis, soit une quarantaine de nations. Malgré cela, la Russie a toujours eu l’initiative militaire et, après treize mois, elle continue de donner le ton à la compétition. La question la plus appropriée serait peut-être de savoir si la Russie veut vraiment gagner la guerre contre l’Ukraine seulement, car sa confrontation est en réalité avec l’Occident, c’est-à-dire le monde anglo-saxon et sa périphérie, et elle est vitale. (…)

Moscou aurait pu lancer une offensive de toutes ses forces, balayer le régime de Kiev, mais outre les possibilités d’affrontement avec l’OTAN, il y a un point que nous voulons soulever pour essayer de comprendre la stratégie russe. Poutine sait qu’il est en fait confronté à l’ensemble de l’Occident collectif, qui dispose d’un énorme potentiel militaire et d’armes nucléaires.

La décision de l’OTAN de démembrer la Russie n’est un secret pour personne et les signes se multiplient, qu’il s’agisse de l’avancée aux frontières de la Russie ou de l’encouragement des processus de décolonisation en cours visant à diviser la Fédération en au moins 35 États plus petits. Pour faire face à ce mastodonte militaire et économique, il fallait du temps et une stratégie claire. Les sanctions étaient attendues et ont été résolues de telle sorte que la Russie a enregistré des excédents records depuis le début de l’affrontement armé. Sur le plan économique, la Russie est autonome et soutenue par des pays tels que la Chine. De ce côté, elle est blindée.

Le deuxième aspect à prendre en compte est que l’Occident, dans son effondrement, recherche la guerre comme moyen d’arrêter le processus de perte d’hégémonie qu’il subit. Nous ne pouvons pas ignorer les divers courants politiques internes, comme le trumpisme aux États-Unis, qui s’opposent à l’affrontement avec la Russie. Convaincre l’ensemble de l’establishment et les forces armées elles-mêmes de la nécessité d’une guerre avec la Russie n’est pas une mince affaire et doit avoir des justifications valables pour ceux qui s’y opposent. La Russie a l’occasion d’aiguiser ces contradictions tout en continuant à renforcer et à affaiblir l’appareil militaire et industriel de ses ennemis atlantistes. La stratégie semble consister à impliquer l’OTAN de manière mesurée dans le conflit en Ukraine, sur un terrain et dans des conditions extrêmement défavorables. Ses forces navales, son principal atout militaire, sont trop limitées pour agir et elle n’a pas la possibilité d’envoyer ses troupes directement, du moins actuellement. Les dissensions internes, les problèmes économiques et les sociétés déconstruites de l’Occident offrent à la Russie une excellente occasion de créer un chaudron, un creuset où faire fondre les potentialités du monde atlantiste.

Une avancée dévastatrice mettrait fin au conflit ; cependant, une avancée provocatrice, mais en même temps avec de petites fissures que la propagande de l’ennemi amplifie naturellement, permet à Poutine d’obtenir de l’OTAN qu’elle envoie du matériel, des armes et des munitions à Kiev. L’escalade même du type, de la quantité et de l’ampleur des armements a été progressive, permettant aux militaires russes de détruire méthodiquement l’arsenal et d’affaiblir les structures militaires de l’organisation. Nous voyons sans peine les avertissements des officiers militaires américains sur les problèmes que la presse tente de dissimuler. L’OTAN est à court de munitions, elle a perdu tout son arsenal de l’époque soviétique en Europe de l’Est, mais plus grave encore, elle a démontré que sa capacité de production militaire est inférieure à celle de la seule Russie, qui peut en outre compter sur le soutien de l’Iran, de la Corée du Nord et de la Chine.

Dans le même temps, Moscou a généré des tensions au sein du bloc ennemi, des divergences apparaissent naturellement et l’attitude de Washington, qui subordonne des pays comme l’Allemagne à ses besoins, est une bombe à retardement qui ne demande qu’à exploser. Les pressions internes ont pour toile de fond des sanctions économiques qui se sont comportées comme un boomerang, comme une perte de marchés et de pouvoir d’achat, couplée à des pays producteurs de pétrole qui ne se plient pas aux ordres anglo-saxons, créent un environnement qui appelle à la stratégie d’utilisation de l’Ukraine comme un bélier. L’Occident collectif ne peut soutenir indéfiniment l’effort militaire et économique en Ukraine sans s’affaiblir et se fissurer.

La Russie sait que le territoire est secondaire dans sa stratégie et qu’il sera la conséquence de son triomphe final, mais en attendant, elle l’utilisera si nécessaire pour écraser les forces ennemies. Les retraits partiels de Moscou ne sont peut-être pas une erreur de calcul, mais bien une stratégie planifiée. Ce n’est pas une consolation pour les imbéciles, comme le prétendent les propagandistes de l’OTAN en expliquant cette possibilité, si la Russie a été capable d’avoir des plans de contingence pour contourner les sanctions et a même acheté une flotte de 300 pétroliers à des armateurs grecs. Cette flotte lui a permis de contourner le blocus pétrolier, faisant échouer la stratégie atlantiste. Cela s’est fait subrepticement alors que l’Occident annonçait des sanctions qui ne seraient pas efficaces simplement parce que Poutine les a anticipées, nous devons penser qu’il y a une forte possibilité que ce à quoi nous assistons soit soigneusement planifié.

La Russie, dans son histoire, a toujours su utiliser les guerres d’usure, même dans des conditions d’attaques relativement surprenantes. Poutine avait déjà commencé à avertir l’Occident de sa politique en 2007, il a donc eu au moins 15 ans pour se préparer à l’affrontement. S’il s’y est préparé dans tous les domaines, il serait surprenant que dans le domaine militaire, il ne s’agisse que d’improvisation, comme nous le dit la presse occidentale.

La Russie a créé des chaudrons où elle fait fondre les armes et les équipements occidentaux tout en utilisant les sanctions à son avantage en bloquant la livraison de matières premières essentielles pour l’industrie militaire, comme le titane et l’antimoine, parmi des dizaines de composants clés. Un Occident qui s’était engagé dans la spéculation financière et la construction d’un monde de papier très utile tant que les nations obéissaient à ses ordres. Mais il a suffi à la Russie de dire que c’en était assez pour montrer que le roi était bel et bien nu. 

Dans le sillage de la Russie, d’autres nations mal à l’aise avec la situation hégémonique des États-Unis se joignent à elle.

La Chine a commencé à démontrer publiquement que son histoire d’amour est avec Moscou, l’Arabie saoudite a conclu un accord jusqu’ici impensable avec l’Iran et Israël, alors qu’elle est l’allié occidental qui avait préféré jusqu’ici rester dans cette position plutôt que de rejoindre les hôtes multipolaires, est devenu une tempête. Cet accord irano-saoudien, réalisé grâce à la diplomatie chinoise, constitue également un socle sur lequel la Chine va supplanter le dollar dans le commerce du pétrole au Moyen-Orient.

L’Inde continue de faire des affaires extraordinaires avec le pétrole russe, malgré les souhaits contraires de l’Occident, la Turquie vacille et si Erdoğan confirme son leadership lors des prochaines élections, nous pourrions assister à des surprises. Le monde non occidental commence à se révolter. Le gouvernement tchadien a déclaré la nationalisation de tous les biens et droits, y compris les permis d’exploitation et de production d’hydrocarbures, appartenant à une filiale de la compagnie pétrolière américaine ExxonMobil, qui s’est empressée de vendre ses parts, ce que la nation africaine a refusé.

Faut-il plus que ces nouvelles pour comprendre l’effondrement en cours de l’Occident ? La politique d’usure pratiquée par la Russie est en train d’éroder son véritable ennemi anglo-saxon. La conviction initiale que l’Occident allait gagner la guerre par l’usure qu’il faisait subir à la Russie s’est évanouie en l’espace de 13 mois. (…) Poutine ne peut pas accélérer les choses car l’effondrement anglo-saxon doit se faire de manière à ne pas entraîner le monde dans une guerre nucléaire.

La pression sur la Chine n’a pas fonctionné, le plan de paix chinois est juste et équilibré, et donc inacceptable pour l’Occident, qui serait publiquement défait s’il l’acceptait. Poutine dit donc oui, mais le problème, ce n’est pas moi, c’est Zelensky, tandis que les responsables américains font des déclarations de soutien militaire à l’Ukraine. (…) Poutine veut aller jusqu’au bout contre les structures atlantistes, c’est son objectif. S’il s’arrête maintenant, ce doit être dans des conditions suffisamment claires pour que le monde comprenne que l’OTAN a été vaincue. Cela accélérerait un effet de cascade avec la sortie du dollar et précipiterait l’effondrement final. L’Occident veut donner une image de paix, mais en même temps montrer qu’il a écrasé la Russie, pour éviter l’effet mentionné ci-dessus. Tant que cette situation perdurera, la Russie poursuivra son action de démolition, sachant que le temps joue en sa faveur.

Lula, après avoir communiqué avec Biden et les principaux dirigeants occidentaux, annonce un voyage en Chine avec un message pour créer un « Club de la Paix », où Pékin resterait neutre. Les cartes sont désormais claires : Lula est le porte-parole de la proposition occidentale visant à éloigner la Chine de la Russie. Le président brésilien a rejeté la présidence des BRICS cette année, tout en acceptant la présidence du G20, un fait qui parle de lui-même. Le Brésil reste dans l’orbite des États-Unis et la libération de Lula n’a pu se faire qu’avec l’approbation de Washington, tout comme sa victoire lors d’une élection avec un bulletin de vote inexistant face à des allégations de fraude. La réponse de la Chine aurait probablement été un remerciement suivi d’invocations de vœux de paix, mais sa politique a été scellée par le voyage de Xi à Moscou. Cependant, quelque chose semble avoir changé et le discours de Pékin s’est durci ces derniers jours. À cette occasion, il s’est passé quelque chose puisque Lula a suspendu le voyage pour une durée indéterminée en invoquant des problèmes de santé. Il convient de noter que son ministre Haddad a également annulé son voyage en Chine et que l’agenda du président brésilien semble se concentrer sur les questions intérieures brésiliennes.

Le voyage comprenait également une série d’accords commerciaux et technologiques, et l’explication de la pneumonie, qui lui permet toutefois de poursuivre son activité politique, semble en réalité répondre au refus de la Chine de jouer le rôle attendu. Habituellement, de telles initiatives font l’objet d’un accord entre les ministères des affaires étrangères des deux pays, de sorte qu’il n’y a pas de divergences entre les présidents. Dans le cas présent, il est fort probable que l’annonce de Lula ait été unilatérale, ce qui a provoqué un malaise en Chine. Il est possible que l’annulation soit due à la pression de Washington, mais compte tenu de l’ensemble du contexte, cela ne semble pas probable. Les BRICS sont en fait les RICS, la position du Brésil est aujourd’hui celle d’une subordination à Washington et à ses politiques mondialistes, la Russie le sait et c’est pourquoi, malgré la victoire de Lula et son progressisme, les paris de Moscou ont été revus à la baisse. Poutine a longuement travaillé avec la Turquie pour la maintenir dans une position proche, il fera de même avec le Brésil, mais l’axe de ses intentions ne passera pas par les BRICS, du moins pas avant un changement profond dans ce pays. 

En Russie, on espère que la guerre sera terminée avant la fin de l’année. C’est quelque chose que la Russie pourrait faire si elle le voulait vraiment, mais aujourd’hui, la meilleure option semble être de continuer à créer ces chaudrons ukrainiens qui consomment les capacités de l’Occident. Pour ce faire, Moscou doit maintenir une apparence de faiblesse qui encourage l’OTAN à envoyer de plus en plus d’armes, tout en veillant à ne pas nuire à sa population.

Pourquoi le Royaume-Uni, qui n’envoie que 14 chars Challenger II, insiste-t-il pour envoyer des munitions à l’uranium appauvri ? La réponse est implicite : Londres, qui, contrairement aux États-Unis, est totalement alignée sur son objectif, soupçonne la Russie de jouer le jeu de l’attrition tout en conservant une position confortable. Si ces munitions sont utilisées sur le champ de bataille, elles contamineront des territoires que la Russie a aujourd’hui intégrés dans sa souveraineté et affecteront ses citoyens. Pourra-t-elle, dans ce cas, suivre le plan de destruction lente et systématique de Poutine ou devra-t-elle donner des réponses internes à l’appel à l’action ?

Les paroles de Medvedev sont un guide à suivre car il est celui qui dit ce que Poutine pense mais ne verbalise pas. À la déclaration de la ministre britannique de la Défense, Annabel Goldie, selon laquelle elle enverrait des chars équipés de telles munitions, le Russe a répondu que « l’Ukraine doit évaluer les conséquences de l’utilisation d’uranium appauvri et se demander s’il faut ouvrir la « boîte de Pandore » et permettre à l’Occident de fournir de telles munitions ». (…) »

L’OTAN prévoit-il une offensive de printemps pour reconquérir le sud de l’Ukraine?

C’est ce qu’affirme southfront.org. D’abord par un article daté du 23 mars 2023:

« Les préparatifs de l’armée ukrainienne en vue de la prochaine offensive de grande envergure se poursuivent sur les lignes de front ukrainiennes. L’attaque principale aura probablement lieu dans la région de Zaporozhye ; et les opérations à grande échelle sur les lignes de front du sud du Donbass seront accompagnées d’opérations d’assaut simultanées de groupes ukrainiens sur la rive orientale du Dniepr dans la région de Kherson, ainsi que de tentatives de contre-attaque le long des lignes de front dans la région de Kharkov. Les tentatives ukrainiennes de contre-attaque à Bakhmut pour tenter de débloquer la ville ne sont pas exclues.

L’armée ukrainienne a tenté une autre opération offensive dans la direction de Zaporojie, près de la ville d’Orekhov. Au cours des combats près du village de Novodanilovka, qui se trouve dans la zone grise et n’est contrôlé par aucun des belligérants, les unités ukrainiennes ont réussi à prendre partiellement pied dans le village. Des sources russes indiquent qu’environ la moitié de Novodanilovka est passée sous le contrôle des forces ukrainiennes, qui ont commencé à y renforcer leurs bastions. (…)

Puis, dans un deuxième article, le 28 mars:

« Tandis que l’armée ukrainienne se prépare à une offensive de grande envergure et achemine de nouveaux équipements de l’OTAN sur les fronts, les deux parties belligérantes ont intensifié leurs frappes dans les zones arrière de l’autre.

Dans la nuit du 28 mars, des alertes au raid aérien ont retenti dans près de la moitié des régions ukrainiennes. Les drones russes Geranium ont atteint leurs cibles à Kiev et à Dnipropetrovsk. Plusieurs explosions ont retenti dans la capitale. Le maire de Kiev a confirmé la destruction des quartiers Svyatoshinsky et Obolonsky de la ville.Au moins trois explosions ont été signalées à Dniepropetrovsk. Le chef de l’oblast de Dnipropetrovsk a confirmé les frappes, signalant qu’une entreprise privée avait été détruite.

Alors que les Ukrainiens se préparent à contre-attaquer près de Bakhmut, les forces russes lancent presque quotidiennement des frappes de haute précision dans la région de Slavyansk-Kramatorsk. Le 28 mars au matin, plusieurs explosions ont retenti dans la banlieue est de Slavyansk. Des images ont confirmé que le centre de recrutement militaire de la rue Torskaya avait été détruit. Selon les autorités ukrainiennes, deux personnes ont été tuées et 29 autres ont été blessées. Le nombre réel de victimes pourrait être beaucoup plus élevé.Le 26 mars, le ministère russe de la défense a indiqué qu’un dépôt de munitions de la 56e brigade d’infanterie motorisée ukrainienne avait été détruit à Kramatorsk. Le même jour, les troupes russes ont lancé des missiles sur le bâtiment de l’Institut d’économie et de sciences humaines de Kramatorsk, où se trouvait très probablement un emplacement pour les militaires ukrainiens.

Les forces russes mènent également des frappes quotidiennes contre des cibles militaires dans les régions ukrainiennes de Sumy et de Kharkov afin d’empêcher les renforts ukrainiens sur les fronts nord du Donbass. Au milieu des tirs d’artillerie incessants, les forces aérospatiales russes ont mené des frappes régulières à l’aide de bombes aériennes planantes. L’attaque la plus massive a eu lieu dans la nuit du 24 mars. Selon le commandement de l’armée de l’air ukrainienne, au moins 10 avions russes ont largué plus de 10 bombes dans la région.

Des duels d’artillerie massifs se poursuivent tout au long de la ligne de front dans la région de Zaporojie, qui devrait devenir la direction principale de la prochaine offensive ukrainienne. Le 27 mars, les défenses aériennes russes ont abattu un Mi-8 ukrainien près du village de Temirivka.À leur tour, les forces ukrainiennes ont lancé un bombardement massif sur la ville de Melitopol, que Kiev a cédée aux Russes sans combattre il y a un an. L’une des cibles de l’attaque ukrainienne était un collège local où se déroulaient des cours. Heureusement, il n’y a pas eu de victimes.

Dans la région de Kherson, l’armée ukrainienne a intensifié ses préparatifs en vue d’opérations de sabotage et de débarquement sur le fleuve Dniepr. Dans le même temps, les forces russes n’ont pas cessé de frapper les positions militaires sur la rive occidentale. Le 27 mars, un missile antiradar a détruit un complexe S-300 ukrainien près de Davydov Brod. Des explosions ont retenti près de Kherson et d’autres localités. Les forces ukrainiennes ont à leur tour frappé les installations logistiques de la zone arrière russe avec des MLRS HIMARS de fabrication américaine.

En réalité, on est frappé par l’asymétrie des frappes décrites ci-dessus. On a par ailleurs du mal à croire à un plan ukrainien qui ressemble tellement au plan d’origine de la guerre déjouée par l’armée russe en 2022. Autant l’armée russe s’est laissée surprendre dans la région de Kharkov au début du mois de septembre 2022, autant on imagine mal de voir la ligne de défense établie par le Général Sourovikine enfoncée ce printemps par une offensive surprise, avec une armée ukrainienne bien plus affaiblie.

Plus précisément, on se rappelle que l’armée russe a déjà détruit trois armées ukrainiennes: (1) en lançant une triple attaque (Kiev-Soumy/Donbass/ mer d’Azov) fin février 2022, les Russes ont détruit (fin février-fin avril) l’armée qui devait lancer l’offensive du printemps 2022 contre le Donbass et la Crimée. (2) De mai à août 2022, les Russes ont affronté et vaincu une deuxième armée chargée de défendre le Donbass. (3) Ils ont été surpris, début septembre 2022, à Kherson et Izioum, par une troisième armée ukrainienne, celle qu’ils sont en train de finir de détruire à Bakhmout.

La question est donc celle de la capacité de l’Ukraine (et donc de l’OTAN) à construire une quatrième armée, pour une nouvelle offensive. Or, pour l’instant, on voit surtout une armée ukrainienne qui continue à envoyer des troupes pour défendre bakhmout; et qui essaie, par ailleurs, de provoquer l’armée russe au sud, en espérant soulager, par la même occasion, le front de Bakhmout.

La bataille d’Ukraine

#Ukraine – Front Nord : Sumy
Cette nuit frappes massives #RuAF + Geran-2 contre des objectifs militaires
10 Su-35 engagés (dont avec Kh31P antiradar)
Centres de commandement otano-kieviens, communications, logistique, casernements ciblés https://t.co/gU3YnBXdde

— Jacques Frère (@JacquesFrre2) March 24, 2023

#Donbass – Mariupol
Dans la matinée, un attentat terroriste s’est produit à Mariupol : une voiture piégée a explosé près d’un café dans un immeuble résidentiel
Le chef de la police de la ville Mikhail Moskvin était ciblé : il a une légère commotion cérébrale pic.twitter.com/DHV2KEIWZA

— Jacques Frère (@JacquesFrre2) March 27, 2023

D’après les Telegram il est possible que les blindés légers AMX10 ainsi que des chars lourds allemands, polonais et anglais aient été détruits ce matin par l’artillerie dans un grand hangar de #Zaporozhye pic.twitter.com/meJiBa2oxv

— Ninotchka (@RNinotchka) March 29, 2023

#Russie – Tentative des forces otano-kiéviennes de frapper l’aérodrome de Gvardeyskoye en Crimée -1/2-
Dans l’après-midi, frappe missile tactique Grom-2 depuis la zone d’Alibey/Tuzly (région d’Odessa) contre l’aérodrome de Gvardeyskoye (Nord Simferopol)
pic.twitter.com/eTkWzk7iD2

— Jacques Frère (@JacquesFrre2) March 29, 2023

#Donbass – Front Centre : Marinka
Combats en cours au centre-bourg
Assaut BTG 150e DFM sur administration locale pic.twitter.com/vVnbgSqkFi

— Jacques Frère (@JacquesFrre2) March 30, 2023

#Donbass – Front Nord : Bakhmut/Artemovsk
Unités Wagner contrôlent entièrement les districts (quartiers) de Sobachevka et Budenovka
Combats en cours :
Zone centrale (place « Svoboda »)
Zone de Vodokanal
Sud zone industrielle AZOM
Zone du quartier général du Nord pic.twitter.com/f5wluZg47O

— Jacques Frère (@JacquesFrre2) March 30, 2023

Enfin: M.K. Bhadrakumar nous livre une analyse détaillée du rapprochement sino-russe

Nous l’avons attendu avec impatience, il est là, publié ce 30 mars: voici le texte que M.K. Bhadrakumar consacre à la rencontre en Poutine et Xi Jinping. C’est nous qui soulignons, en gras, certains passages.

« Les médias russes ont rapporté que le président Vladimir Poutine a fait un geste extraordinaire lorsque le président Xi Jinping a quitté le Kremlin après le dîner d’État de la semaine dernière, mardi soir, en l’escortant jusqu’à la limousine et en le raccompagnant. Lors de la poignée de main d’adieu, Xi aurait répondu : « Ensemble, nous devrions faire avancer ces changements qui n’ont pas eu lieu depuis 100 ans. Prenez soin de vous. » Xi faisait allusion aux cent dernières années de l’histoire moderne qui ont vu les États-Unis passer du statut de pays situé au nord du Mexique dans l’hémisphère occidental à celui de superpuissance et d’hégémon mondial.

Avec son sens profond de l’histoire et son esprit dialectique, M. Xi a rappelé les discussions intenses qu’il a eues avec M. Poutine sur les réalités contemporaines qui enterrent le moment unipolaire des États-Unis et sur les impératifs de la Chine et de la Russie qui doivent unir leurs forces pour consolider la transition de l’ordre mondial vers la démocratisation et la multipolarité.

Il s’agissait d’une conclusion appropriée à une visite d’État qui avait débuté la veille par l’expression par M. Xi de sa confiance dans le fait que les Russes soutiendront M. Poutine lors des élections présidentielles de l’année prochaine. D’un seul coup, M. Xi a « annulé » la diabolisation de M. Poutine par l’Occident, conscient qu’il était absurde d’organiser un mandat d’arrêt contre le chef du Kremlin pour détourner l’attention de ses entretiens à Moscou.

La Chine a pour politique scrupuleuse de s’abstenir de tout commentaire sur la politique intérieure des autres pays. Toutefois, dans le cas de la situation en Russie, Xi a fait une exception notable en signalant qu’il tenait à ce que Poutine prenne les devants en ces temps tumultueux. La majorité de l’opinion mondiale, en particulier dans les pays du Sud, sera d’accord.

L’opinion publique russe, très érudite, n’en prendra-t-elle pas acte elle aussi, en poussant un rugissement d’approbation ? Oui, la cote constante de 80 % de Poutine est un signe. Xi a peut-être jeté de l’eau froide sur les derniers stratagèmes désespérés de l’Occident visant à inciter une bande d’oligarques russes à prendre la tête d’un changement de régime au Kremlin.

Le fait que la visite d’État de M. Xi ait eu lieu au beau milieu de la guerre en Ukraine témoigne de la très grande importance que la Chine attache à ses relations avec la Russie. Il s’agit d’une décision mûrement réfléchie, car la Chine et la Russie sont toutes deux engagées dans une spirale de tensions vis-à-vis des États-Unis.

Un changement d’humeur spectaculaire s’est opéré à Pékin. Le nadir a été atteint avec le comportement grossier du président Biden lors de son discours sur l’état de l’Union le 7 février, lorsqu’il a dérapé et s’est écrié de manière hystérique : « Nommez-moi un dirigeant mondial qui échangerait sa place avec Xi Jinping ».Dans la culture orientale, une telle grossièreté est considérée comme un comportement scandaleux impardonnable. Au cours des semaines qui ont suivi l’abattage du ballon météorologique chinois par les États-Unis et le dénigrement de la Chine sur la scène internationale, Pékin a repoussé plusieurs tentatives de la Maison Blanche visant à obtenir une conversation téléphonique entre M. Biden et le président Xi.

Pékin en a assez des promesses creuses de M. Biden de renouer les liens tout en renforçant en catimini les alliances dans la région Asie-Pacifique, en insérant l’OTAN dans la dynamique de puissance de l’Asie-Pacifique et en envoyant des forces et une puissance de feu supplémentaires dans des endroits comme Guam et les Philippines, en plus de s’efforcer sans relâche d’affaiblir l’économie de la Chine.

La visite de Xi à Moscou est devenue une excellente occasion pour la Russie et la Chine de réaffirmer leur partenariat « sans limites » et de faire échouer les tentatives occidentales, depuis que la guerre a éclaté en Ukraine, de créer un fossé dans les relations sino-russes.

Pour citer le professeur Graham Allison de l’université de Harvard, « dans toutes les dimensions – personnelle, économique, militaire et diplomatique – l’alliance non déclarée que Xi a construite avec le président russe Vladimir Poutine est devenue beaucoup plus importante que la plupart des alliances officielles des États-Unis aujourd’hui ».

Toutefois, alliance ou pas, le fait est que ce « nouveau modèle de relations entre grands pays, caractérisé par le respect mutuel, la coexistence pacifique et la coopération gagnant-gagnant » – pour citer Xi Jinping – est tout sauf un ordre hiérarchique.Les experts américains ont du mal à comprendre les relations égales entre deux nations souveraines et indépendantes. Et dans ce cas, ni la Russie ni la Chine ne sont enclines à déclarer une alliance formelle parce que, pour dire les choses simplement, une alliance exige inévitablement d’assumer des obligations et de limiter la poursuite optimale des intérêts dans le respect d’un agenda collectif.

Il apparaît donc que le calcul stratégique de Poutine en Ukraine sera façonné bien plus par les événements sur le champ de bataille que par toute contribution de la Chine. La réaction de la Russie au « plan de paix » chinois concernant l’Ukraine témoigne de cette réalité.

Dès que M. Xi a quitté Moscou, M. Poutine, dans une interview accordée à la chaîne de télévision Russia 1, a remis les pendules à l’heure en affirmant que la Russie surpassait les livraisons de munitions de l’Occident à Kiev. Il a déclaré : « Le niveau de production de la Russie et son complexe militaro-industriel se développent à un rythme très rapide, ce qui était inattendu pour beaucoup ». Alors que de nombreux pays occidentaux fourniront des munitions à l’Ukraine, « le secteur de production russe produira à lui seul trois fois plus de munitions pour la même période », a ajouté M. Poutine.Il a répété que les livraisons d’armes de l’Occident à l’Ukraine ne préoccupent la Russie que parce qu’elles constituent « une tentative de prolonger le conflit » et qu’elles « ne mèneront qu’à une plus grande tragédie et rien de plus ».

Il ne s’agit toutefois pas de minimiser l’importance du partenariat pour les deux pays dans les domaines politique, diplomatique et économique. L’importance réside dans l’interdépendance croissante des deux pays dans de multiples directions, qui ne peut pas encore être quantifiée et qui continue d’ »évoluer » (Xi) et semble transparente.

La guerre en Ukraine, paradoxalement, s’avère être un signal d’alarme – une guerre qui peut prévenir une autre guerre mondiale plutôt que d’en engendrer une. La Chine comprend que la Russie s’est attaquée seule à « l’Occident collectif » et a montré qu’elle était plus qu’à la hauteur.

Cette évaluation de Pékin ne peut échapper à l’attention de l’Occident et aura également un impact sur la pensée occidentale à moyen et long terme – non seulement pour l’Eurasie, mais aussi pour l’Asie-Pacifique.

Un article publié il y a quelques semaines dans le Global Times par Hu Xijin, l’ancien rédacteur en chef du quotidien du Comité central du Parti communiste chinois, a mis en lumière la situation dans son ensemble. Hu écrit que la guerre en Ukraine « s’est transformée en une guerre d’usure entre la Russie et l’Occident… Alors que l’OTAN est censée être beaucoup plus forte que la Russie, la situation sur le terrain ne semble pas l’être, ce qui suscite l’inquiétude de l’Occident ».

Hu a tiré des conclusions étonnantes : « Les États-Unis et l’Occident ont eu beaucoup plus de mal que prévu à vaincre la Russie. Ils savent que la Chine n’a pas fourni d’aide militaire à la Russie, et la question qui les hante est la suivante : si la Russie seule est déjà si difficile à gérer, que se passerait-il si la Chine commençait réellement à fournir une aide militaire à la Russie, en utilisant ses capacités industrielles massives pour l’armée russe ? La situation sur le champ de bataille ukrainien changerait-elle fondamentalement ? En outre, la Russie peut déjà, à elle seule, affronter l’ensemble de l’Occident en Ukraine. S’ils forcent vraiment la Chine et la Russie à s’allier, quels changements y aura-t-il dans la situation militaire mondiale ?

L’idée répandue aux États-Unis et en Europe selon laquelle l’alliance Russie-Chine est une alliance d’inégaux n’est-elle pas elle-même un sophisme occidental intéressé ? Hu a raison : Bien que la puissance globale de la Chine soit encore inférieure à celle des États-Unis, en combinaison avec la Russie, il y a un changement de paradigme dans l’équilibre et les États-Unis n’ont plus le droit d’agir à leur guise.

La Russie et la Chine partagent la même préoccupation : l’ordre mondial doit revenir à un système international centré sur les Nations unies et fondé sur le droit international. Il ne fait aucun doute que la stratégie des deux pays consiste à renverser l’ »ordre fondé sur des règles » dominé par les États-Unis et à revenir à un ordre international centré sur l’ONU.

L’article 5 est d’ailleurs l’âme même de la déclaration commune publiée à Moscou : « Les deux parties réaffirment leur engagement à défendre fermement le système international avec les Nations unies en son centre, l’ordre international fondé sur le droit international et les normes fondamentales régissant les relations internationales sur la base des objectifs et des principes de la Charte des Nations unies, et s’opposent à toutes les formes d’hégémonisme, d’unilatéralisme et de politique de puissance, à la mentalité de la guerre froide, à la confrontation entre les camps et à la création de cliques ciblant des pays spécifiques ».

Ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas d’éliminer les États-Unis et de les remplacer par la Chine, mais d’empêcher effectivement les États-Unis d’intimider les États plus petits et plus faibles, et d’inaugurer ainsi un nouvel ordre international où priment le développement pacifique et la raison politique, qui l’emporte sur toutes les différences idéologiques.

Le Courrier des Stratèges,